Homélie pour le 14ème Dimanche du Temps Ordinaire – 3 juillet 2022
Il y a un point commun, un mot, dans les lectures que nous venons d’entendre trois fois, c’est la Paix :
– Car le Seigneur le déclare : « Voici que je dirige vers Jérusalem la paix comme un fleuve ». (Isaïe 66, 12)
– « Ce qui compte, c’est d’être une création nouvelle. Pour tous ceux qui marchent selon cette règle de vie, paix et miséricorde ». (lettre de saint Paul apôtre aux Galates 6,16)
– « Dans toute maison où vous entrerez, dites d’abord : `Paix à cette maison. S’il y a là un ami de la paix, votre paix ira reposer sur lui ; sinon, elle reviendra sur vous’ « . (Lc 10,5-6)
Le terme hébreu désignant la paix, Shalom, est souvent employé pour désigner une apparence de calme et de tranquillité personnelle, collective ou nationale. Le terme grec Εἰρήνη / Eirếnê signifie, lui, unité et accord, et Saint Paul l’emploie pour décrire l’objectif de l’Église. Mais la définition profonde et fondamentale de la paix, c’est “l’harmonie spirituelle qu’apporte la restauration de notre relation avec Dieu”.
La Paix de Dieu, ce n’est pas l’absence de conflit, c’est le fruit de l’Esprit (Ga 5,22). Comme la joie ! Et personne ne peut nous l’enlever. Mais ce n’est pas non plus automatique. Encore faut-il vivre selon cet Esprit. Comment ?
“Amour et Vérité se rencontrent, Justice et Paix s’embrassent” (Ps 84) : la Paix va avec la justice. Elle en découle.
Le Seigneur est lui-même la Paix. Le geste de paix que nous nous donnons après avoir prié tous ensemble notre Père est beaucoup plus qu’un signe amical. La véritable formule liturgique est d’ailleurs : « Dans la charité du Christ donnez vous la Paix ». Ce n’est pas un petit coucou sympathique de bisounours ou une mondanité. C’est véritablement la Paix du Fils de Dieu que nous recevons gratuitement et que nous donnons. “Je vous donne ma Paix, je vous laisse ma Paix”.
Dans le Gloria, nous chantons et proclamons “Gloire à Dieu au plus haut des cieux et Paix sur la terre aux hommes qu’il aime”. De toute éternité, le Seigneur veut la Paix pour ses enfants.
En réalité, c’est lorsque nous nous détournons de Dieu, lorsque nous faisons obstacle à sa volonté que la paix nous fait défaut. Nous sommes alors dans le trouble et l’insatisfaction. Et le serpent malin s’y entend pour nous y attirer. Nous voyons dès le début comment Eve est elle-même troublée lorsqu’elle se fait piéger par le tentateur qui mélange la Parole de Dieu à ses mensonges venimeux, lesquels n’ont jamais d’autre but que de nous faire désobéir pour nous rendre malheureux !
Au contraire, nous expérimentons que lorsque nous nous conformons à la volonté de Dieu qui, elle, n’a pas d’autre but que notre véritable bonheur, nous sommes dans la Joie et dans la Paix.
Et même si parfois nous avons à opérer un choix qui peut nous paraître difficile, voire impossible, un renoncement à quelque chose à quoi nous sommes pour de plus ou moins bonnes raisons attachés, le pas que nous faisons dans l’obéissance à la volonté douce et respectueuse de Dieu produit alors en nous la Joie et la Paix, c’est d’ailleurs le meilleur critère de discernement: Est-ce que ma décision me rend joyeux et paisible ?
Saint Augustin, docteur de l’Eglise, en a fait l’expérience qu’il nous relate dans ses confessions alors qu’il menait une vie désordonnée.
L’ordre des choses, c’est justement que notre vie ordinaire se déroule jusque dans les plus petites sous le regard de Jésus qui nous a promis d’être avec nous tous les jours.
C’est aussi ce qu’avait compris Sainte Thérèse de Lisieux qui se désolait d’être aussi imparfaite jusqu’à ce qu’elle découvre que la véritable sainteté se trouvait dans le quotidien le plus ordinaire, dans le renoncement à nous-mêmes pour ressembler de plus en plus à notre Maître et Seigneur.
Le prophète Isaïe avait annoncé en ces termes la venue du Messie
« Oui, un enfant nous est né, un fils nous a été donné ! Sur son épaule est le signe du pouvoir ; son nom est proclamé : « Conseiller-merveilleux, Dieu-Fort, Père-à-jamais, Prince-de-la-Paix’’ ». (Is 9.5)
Dans un monde rempli de guerre et de violence, on voit difficilement comment Jésus peut être le Dieu tout-puissant qui agit dans l’histoire humaine et l’incarnation de la paix. Mais la sécurité physique et l’harmonie politique ne reflètent pas forcément la paix dont il est question ici.
Notre péché nous rend ennemis de Dieu (Rm 5.10). « Mais voici comment Dieu prouve son amour envers nous : alors que nous étions encore des pécheurs, son Fils Bien-Aimé est mort pour nous. » (Rm 5.8) Grâce au sacrifice de Christ, notre relation avec Dieu est restaurée et nous sommes en paix avec lui (Rm 5.1). C’est cette paix profonde et durable avec notre Créateur que personne ne peut nous enlever. Elle est le parachèvement de l’œuvre de Christ, le « Prince de la paix ».
Le sacrifice du Christ nous donne plus que la paix éternelle : il nous permet d’avoir une relation avec le Saint-Esprit, qui promet de nous guider (Jn 16.7, 13). Il se manifeste en nous par la nouvelle vie qu’il nous donne, que nous ne pourrions pas vivre par nous-mêmes : une vie remplie d’amour, fruit de son œuvre en nous, que reflète sa présence. Bien que le plus important soit notre amour pour Dieu, notre joie en lui et notre paix avec lui, nos relations avec les autres en sont forcément affectées.
Cela, nous en avons désespérément besoin, d’autant plus que Dieu nous appelle à être d’un même cœur avec les autres croyants, dans un esprit d’humilité, de douceur et de patience et à « [nous] efforce[r] de conserver l’unité de l’Esprit par le lien de la paix » (Ep 4.1-3). Cette unité de cœur et cette douceur seraient impossibles sans l’œuvre du Saint-Esprit en nous et la paix que nous avons en Dieu grâce au sacrifice de son Fils.
Paradoxalement, la définition la plus simple de la paix, l’apparence de tranquillité personnelle, peut être la plus difficile à saisir et à maintenir. Nous ne faisons rien pour acquérir ou maintenir notre paix spirituelle avec Dieu. Vivre dans l’unité avec d’autres croyants peut être très difficile, mais vivre en paix avec soi-même semble souvent impossible.
À noter qu’en paix ne veut pas dire aisé. Jésus ne nous a jamais promis la facilité : il a seulement promis de nous aider. En fait, il nous a prévenus que nous aurons à faire face aux épreuves (Jc 1.2) et à la tribulation (Jn 16.33), mais il nous a dit aussi que, si nous faisons appel à lui, il nous donnera la « paix de Dieu, qui dépasse tout ce que l’on peut comprendre » (Ph 4.6-7). Qu’importent les épreuves auxquelles nous faisons face, nous pouvons recevoir la paix qui émane du puissant amour de Dieu, qui ne dépend pas de nos forces ou de la situation.
Marie, Reine de la Paix, priez pour nous, vos enfants.
Amen
Jacques Yvert, diacre permanent +
Homélie pour le 14ème Dimanche du Temps Ordinaire – 3 juillet 2022