Un article publié sur le site famillechretienne.fr le 9 juin 2009 par Jean-Claude Bésida
Jacques a fait toute sa carrière à Air France, où il était l’un des responsables du personnel navigant commercial. Ensuite,Il a été ordonné diacre pour le diocèse de Senlis.
J.C Bésida « Vous connaissiez bien l’une des victimes, chef de cabine principale dans le vol AF447 »
Anne était la belle-sœur de ma sœur. Elle nous laisse un témoignage lumineux d’énergie, de joie, et d’une grande bonté. C’était une femme droite et serviable, sans aucune compromission avec le mensonge.
Elle l’a montré dans tous ses engagements : elle était une déléguée du personnel respectée à Air France, et une première adjointe au maire d’Ermenonville appréciée de tous. Je vis ces jours-ci avec la douleur de voir mes proches, son mari et ses enfants, si désemparés.
J.C Bésida Vous-même avez été personnel navigant. Comment appréhende-t-on ce genre d’événement ?
Il y a un risque d’accident ou d’attentat , on le sait, cela fait partie de notre vie de navigant. Depuis la disparition du vol 447, j’ai discuté avec plusieurs collègues et tous m’ont dit ce sentiment, que je partage aussi : on ne monte jamais dans un avion sans y penser.
Anne et son mari Dominique (lui-même navigant à Air France était à Washington au moment de l’accident) vivaient avec cette réalité-là : avant de décoller de Rio, elle lui a téléphoné, comme elle le faisait à chaque fois, sachant que chaque vol était unique.
J.C Bésida Vous avez travaillé à Air France pendant des années. Comment réagit-on dans l’entreprise ?
Air France était ma famille professionnelle jusqu’à la retraite. À la différence des entreprises ordinaires, ses seize mille personnels ont paradoxalement pour dénominateur commun de ne pas se connaître : les équipages font connaissance peu avant de monter dans l’avion et ont un rythme de vie particulier, très décalé.
Ils vont à Rio ou ailleurs, passent quelques jours dans des hôtels quatre étoiles, un univers artificiel, et se retrouvent seuls et démunis lorsqu’ils rentrent chez eux : ils ont à la fois une forte identité commune et l’immense besoin d’une famille.
Dans le malheur, ils font front. Ils sont unis et ont réellement besoin de se retrouver. Nous avons vécu cela lors de l’accident du Concorde ; nous le vivons en ce moment.
J.C Bésida Vous avez pris part, comme diacre, à la cérémonie à Notre-Dame de Paris, et proclamé l’évangile à la cathédrale de Senlis. Qu’est-ce que cela représente ?
C’était évidemment bouleversant. À Paris, lorsque les deux cent vingt-huit bougies, portées par les membres des familles, sont parvenues à l’autel, j’ai vu arriver des gens titubants, chancelants, en larmes, portés les uns par les autres, des jeunes, des petits enfants, des parents..
Nous avions tous le cœur transpercé.
Mais le moment extraordinaire, c’est lorsque les uns et les autres sont venus rechercher leur bougie au pied de l’autel, à la fin de la célébration. Même si le chagrin était toujours présent, et visible, ce n’était plus les mêmes visages.
Il y avait la paix. Une grâce était passée. Les visages étaient pacifiés. Beaucoup de collègues l’ont remarqué.