Nous sommes des poussins appelés à devenir des aigles

«  le moment du bilan est arrivé . …. La rupture de l’homme et la nature, c’est aussi la rupture entre l’homme et lui-même. Pauvres petits poussins en batterie, privés de la sève d’en-haut et de la sève d’en bas. Nous voilà guettés de ce que Gustave THIBON appelait « la dénutrition de l’être intérieur » 

 

Bien sûr , ceux d’entre vous lecteurs qui avaient fréquenté cette grande école  , qui avaient porté ce bel insigne représentant un aigle ,avec ses petits , vous à qui l’on donné le doux  nom de poussins, vous souriez avec nostalgie et reconnaissance. 

Nous avons tous besoin de paroles fortes, de celles qui nous réveillent et permettent une prise de conscience de ce que l’on pressentait, et alors il devient possible – peut-être- avec le courage et le désir – de poser des actes de conversion et de construction. Philippe de VILLIERS dans « le jour d’après , ce que je ne savais pas .. et vous non plus » nous permet de faire en nous même un voyage intérieur. Il a une certaine légitimité ; pour s’en convaincre il suffit d’aller passer une journée et une veillée au Puy  du fou. C’est là que l’on relit l’HISTOIRE des hommes ! ( à lire son merveilleux roman « Saint Louis ») . Bien évidemment , c’est ce que je pense moi – ppp, pauvre petit poussin-. 

C’est vrai , écrit l’auteur – notre  société , celle d’aujourd’hui nous invite avec un certain empressement à vivre « dans l’instant, le provisoire, le fugitif, et le futile. On campe, on achète, on jette. Ainsi l’éphémère, préparant l’avènement de cette société de l’immédiat, connote positivement la triple errance de l’être hors-sol que nous avons sous les yeux : nomade en ses rêves, coupé de son passé et de son histoire. Nomade en ses sentiments , désaffilié, dépersonnalisé. »

Certains savent , d’autres non. Ceux que l’on appelle poussins  – et j’ai eu ce privilège- d’être parmi eux durant deux années sont les élèves de l’école de l’Air. Les élèves pilotes sont plus aptes à parler de ce que fut cette école car apprendre à voler fut leur métier, mais malgré tout , les ayant côtoyé je peux tout-de même commenter et illustrer les citations de cet écrit. Nous avons été nourris de la sève d’en-haut et de celle d’en bas et , même si « la dénutrition de l’être intérieur » est une menace pour tous , nous avons eu des occasions multiples de recevoir les recettes nécessaires à un « art de vivre ». 

Il ne s’agit pas ici de faire de la forfanterie, et de prétendre que tous ceux qui sont aux commandes d’un appareil volant sont d’une autre « race » , d’un monde différent , d’une élite … mais … ce monde là est un peu différent et permet de vivre des expériences uniques que l’on aime partager avec tous ceux qui n’ont pas cette chance de tutoyer les nuages. 

De quoi est donc faite cette manière d’être et de vivre , qu’est-ce qu’il est essentiel de dévoiler , de conseiller spécialement aux jeunes , de leur montrer ce qui est beau, bon et vrai. 

Tant de petites attitudes de l’esprit, du corps et de l’âme. 

Il faudrait des pages et des pages , des volumes pour développer cette métanoia ( conversion) . 

J’ai bien connu un homme d’exception et je voudrais dans ces quelques lignes l’évoquer , lui rendre hommage et le donner en exemple . Ce ne sont que quelques « pépites » de sa vie et de son œuvre. Michel MENU  était un sage, dont les qualités et compétences dans la connaissance de l’homme sont reconnues ; un livre récent le présente comme « grande figure du scoutisme et fondateur des raides Goums » ; les auteurs Isabelle TALVANDE et Cédric de la SERRE développent au fil des pages ce qui permet à chacun nourrir son « être intérieur » ; quelques pistes permettront d’illustrer ici nous méditation ; une citation de Michel : »tente quelque chose, ne reste pas à attendre que le hasard fasse ta vie à ta place. Brise les barrages d’un seul coup comme font les rebelles. Fais-le maintenant. Ce n’est pas dans dix ans que tu en auras le courage ! largue tout. Sans peur. Largue tout d’un seul coup. Ne serait-ce qu’une fois. Comme on saute en parachute. Et fuis ce monde où tu engloutis, jour après jour, ta jeune vitalité ; Boucle ton sac de pèlerin. Remplis ta gourde à ras bord.  Serre ta boussole à ton poignet. Saute dans l’authentique ! au moins une fois. Prends de l’altitude, tu verras plus clair. Plonge dans le silence, tu t’y retrouveras entier. Taille-toi dans ces terres sauvages du désert un espace de liberté. Ne serait-ce qu’une fois ». Ces raids goums dans le désert du Causse , ou du Maroc, de l’Espagne ou de Palestine permettent de retrouver un  équilibre et d’accueillir la sève d’en bas  – l’émerveillement, le sens du service et de l’amitié, le courage d’aller un peu plus loin, , la créativité et tant d’autres , le sens du beau , mais aussi la sève intérieure, tout ce qui touche à la transcendance , au sens de la vie,  du temps et de l’éternité. 

Ce n’est pas par hasard que je vous fais part de cette amitié qui me liait avec Michel. Ces « billets  d’humeur » dans lesquels je vous fais part de ma méteo intérieure, font le plus souvent référence à l’aéronautique. Le point de départ de celui-ci est un questionnement sur notre manière de vivre , et un essai de réponse bien limité. Nous avions convenu Michel et moi de voler ensemble ; il avait sauté en parachute et était aussi pilote d’avion ; nous n‘avons jamais pu réaliser ce projet de voler  , mais  avions partagé à plusieurs reprises cette passion commune. 

Ces quelques lignes sont l’occasion de manifester mon attachement à cette école de l’Air , où les poussins apprennent à devenir  responsables , officiers , et pilotes, mécaniciens, basiers , commissaires habités par un idéal et guidés par des valeurs humaines qui font d’eux des hommes et femmes « debouts ». 

Gilbert LEPEE, le 7 juin 2021

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