1943- 2020. Quelle est notre clef de voûte ? Quelques questions et réflexions pour hier et aujourd’hui
Antoine de Saint-Exupéry non seulement écrivain et pilote, mais aussi philosophe ….., écrit dans Pilote de guerre.
J’ai besoin d’un CREDO
« Je combattrai pour la primauté de l’Homme sur l’individu, comme l’universel sur le particulier. Je crois que la primauté de l’homme fonde la seule Égalité et la seule Liberté qui aient une signification . Je crois en l’égalité des droits de l’homme à travers chaque individu. Et je crois que la liberté est celle de l’ascension de l’homme. Égalité n’est pas identité. La liberté n’est pas l’exaltation de l’individu contre l’Homme. Je combattrai quiconque prétendra asservir à un individu, comme à une masse d’individus, la liberté de l’Homme. Je crois en ma civilisation dénommé Charité le sacrifice consenti à l’homme, afin d’établir son règne. La charité est don de l’homme à travers la médiocrité de l’individu. Elle fonde l’homme.Je combattrai pour l’homme….”
Et il poursuit « il est urgent de “restaurer l’homme” , “ Une cathédrale est bien autre chose qu’une somme de pierres. Elle est géométrie et architecture. Ce ne sont pas les pierres qui la définissent , c’est elle qui enrichit les pierres de sa propre signification. Ces pierres sont ennoblies d’être pierres d’une cathédrale. Les pierres les plus diverses servent son unité. La cathédrale absorbe jusqu’aux gargouilles les plus grimaçantes dans son cantique. Mais peu à peu j’ai oublié ma vérité. j’ai cru que l’Homme résumait les hommes, comme la Pierre résume les pierres. J’ai confondu cathédrale et somme de pierres , et peu à peu l’héritage s’est évanoui. Il faut restaurer l’Homme”. Ce que Saint-Exupéry essaie de démontrer , c’est qu’il est urgent de trouver “la commune mesure, la clef de voûte”, ce qui va donner sa stabilité à l’édifice. Et nous voilà arrivés à l’essentiel : qu’est-ce qui fait tenir notre vie debout, quel est le but ultime, le sens ???? Où allons-nous ? et pourquoi ?. sa réponse est claire ; il la situe au niveau “transcendant” :l’identité de l’homme .
“ Ma civilisation a contemplé Dieu à travers les hommes. l’homme était crée à l’image de Dieu. On respectait Dieu en l’homme”; et il s’emploie ensuite à montrer comment en laissant pourrir la notion d’Homme on en est arrivé à ne considérer que les individus et les masses. “Nous avons glissé , faute d’une méthode efficace, de l’Humanité qui reposait sur l’Homme , vers cette termitière qui repose sur la somme des individus…peu à peu, oubliant l’homme , nous avons borné notre morale aux problèmes de l’individu…nous avons ainsi perdu l’Homme”. Ce que pensait Saint-Exupéry déjà en 1939 , nous le vivons plus que jamais aujourd’hui. Nous en sommes à cette situation où “les passagers du navire usent du navire sans rien lui donner. A l’abri des salons qu’ils croient cadre absolu, ils poursuivent leurs jeux. Ils ignorent le travail des maîtres-couples sous la pesée éternelle de la mer. De quel droit se plaindront-ils si la tempête démantibule leur navire ?…Il est une clef de voûte à la communauté particulière qu’ils doivent fonder”
Où donc trouver la force nécessaire, le principe, la commune mesure, la clef de voûte pour retrouver l’Héritage? Nous trouvons bien sûr des éléments de réponse dans la lettre au général X , et dans “Citadelle”, et déjà dans “Pilote de guerre” : “tant que ma civilisation s’est appuyée sur Dieu, elle a sauvé cette notion de sacrifice qui fondait Dieu dans le cœur de l’Homme. L’Humanisme a négligé le rôle essentiel du sacrifice. il a prétendu transporter l’homme par les mots et non par des actes”.
“La vie n’ a aucun goût si l’on a perdu le goût de Dieu, écrira encore Saint-Exupéry.
Cette clef de voûte, ou commune mesure, c’est Dieu !.
Mais que faut-il donc faire pour redonner à l’homme des inquiétudes spirituelles ?. que faut-il donc pour qu’il prenne conscience qu’il y a un temps pour parler et un temps pour poser des actes ?, pour qu’il puisse redécouvrir que la vie a un “sens” ? . Que faut-il donc dire et faire pour ouvrir les yeux et montrer que Dieu et l’Homme sont inséparables ? Comment mettre dans sa vie ces valeurs que sont le sens de la responsabilité et la compassion ?, comment “restaurer” l’homme ?.
“Commençons par créer un état d’esprit et l’entretenir; un jour ou l’autre il donnera naissance à des hommes”.(Didier DAURAT) C’est bien cela : un autre état d’esprit, une autre “tournure”, une manière différente de vivre. il faut pour cela accepter de dépendre de quelqu’un d’autre : dépendre de ses parents , de leur autorité et de leurs conseils – en un temps où souvent les parents, les “vieux” sont d’un autre âge et ne comprennent jamais rien aux problèmes des jeunes. accepter de dépendre des “autorités” au collège ou au lycée et bien entendu de toutes les institutions , dont l’existence -même si elle est parfois contraignante- a comme but premier de faire coexister entre eux les individus et de maintenir une “harmonie “. Il y a une seconde exigence : aujourd’hui plus que jamais l’influence des comportements et des modes est importante; il est facile de se faire “piéger” et de prendre la route du conformisme et des autres petits loups que sont « matérialisme, consumérisme, individualisme, égoïsme, hédonisme, transhumanisme…. » . Le danger majeur est le suivant : selon une formule bien connue et pourtant aussi souvent oubliée : “on peut être sincère et dans l’erreur”. Il est donc plus que nécessaire de former sa conscience. La conscience individuelle sera alors éclairée par des clignotants, “des barrières de sécurité” ( par exemple les “commandements , ou la loi scoute…) , qui ne sont pas là pour ennuyer, mais pour créer en soi et autour de soi harmonie et bonheur.
Enfin, il est “urgentissime “ d’arrêter ensuite de faire peur !, Nous ne voyons autour de nous que catastrophes naturelles ou provoquées par des excès de liberté. Ce qui nécessite de dire la “VÉRITÉ”. Comment les jeunes de ce temps peuvent-ils accepter de se comporter comme des êtres humains si – à longueur de journée- on leur parle de souffrance et de peur dans les domaines de l’amour, de l’avenir?. Certes il y a des mesures concrètes à prendre, mais il y a aussi un langage à tenir : celui de la beauté de la vie et de l’espérance, du don de soi et du sacrifice, de la fraternité et de l’amitié, de la gratuité et de la maitrise de soi .
( à poursuivre)
Meditations qui font partie d’une conférence donnée à plusieurs reprises à partir de 1994
G.LEPEE.