Père-Rodde

Lors du pèlerinage à la médaille miraculeuse du 26 mai 2018

 Les voyages de la Vierge Marie

 

Les voyages de la Vierge Marie, le titre peut surprendre… mais ne sommes- nous pas réunis ce matin en nous plaçant sous le patronage et la protection de Notre- Dame des ailes, même si nous savons tous que le transport aérien n’a que quelques décennies d’existence et que c’est au cours de ses dernières que sans jeu de mots, nous pouvons dire qu’il a pris son envol….

Néanmoins depuis que le monde et monde et bien avant l’invention de l’aviation, l’homme a toujours voyagé et ainsi s’est toujours déplacé dans le temps et dans les espaces……

Je ne me lancerai certainement pas dans une étude exégétique des nombreux textes de la Bible, textes où ceux qui sont nos pères dans la Foi nous sont présentés comme des voyageurs, comme des hommes qui n’hésitent pas à se mettre en route….. non seulement l’Ancien, mais également le nouveau Testament regorgent de ces récits où l’on peut voir Abraham, St Paul et tant d’autres quitter le lieu où ils habitent et partir vers d’autres horizons… ce matin ce n’est pas sur un personnage masculin que nous poserons notre regard, mais sur une femme, celle que la liturgie nous faisait célébrer lundi sous le patronyme de Marie Mère de l’Église, au lendemain de la Fête de Pentecôte, et pour ceux qui comme moi datent un peu, au premier jour de l’Octave de cette solennité…..

Celle qui est ainsi définie en 416 au concile d’Éphèse comme Théotokos « Mère de Dieu », trouvera toute sa place au moment du concile Vatican II, c’est ce concile qui dans la constitution dogmatique sur l’Église Lumen Gentium donnera comme titre au VIII° chapitre de ce cette même constitution : « La bienheureuse Vierge Marie dans le mystère du Christ et de l’Église », et le 21 novembre 1964 le bienheureux pape Paul VI en promulguant cette constitution déclarera Marie Mère de l’Église…… Mère d’une Église qui pèlerine à travers les siècles, qui est en pèlerinage vers la Jérusalem  d’en haut….. qui ne l’est pas seule puisque accompagnée de la prière, de l’intercession et de de la protection de Marie….

Marie s’est elle aussi déplacée dans le temps et dans les espaces…..

Annonciation : Marie est à Nazareth, et elle y reste… Il n’y a pas de déplacement dans l’espace, mais il y a un déplacement dans le temps…. Marie entre en plénitude dans le temps de Dieu …. en acceptant d’être celle par qui Dieu entre dans le monde… la seule question qu’elle pose à l’Ange lors de l’annonce de sa future maternité : « Comment cela va-t-il se faire, puisque je ne connais point d’homme ? », pour elle tout le reste est clair, tout le reste est limpide…. elle est fille d’Israël, avec ses frères et sœurs dans la foi, elle attend le Sauveur annoncé par les prophètes….. Marie se déclare être la Servante du Seigneur et lui témoigne ainsi son entière disponibilité. La supériorité de sa dignité conduit Marie à aimer les autres avec encore plus d’humilité.

Pour nous – mêmes : Lorsque nous arrivons à l’aumônerie de l’aéroport, rappelons-nous que comme Marie et avec elle, nous avons à porter le Christ à ceux et celles que nous allons rencontrer, le leur porter dans le silence bien souvent, un silence qui rejoint celui de Marie à l’Annonciation… Notre présence est déjà un signe….

Visitation : Marie va vers la montagne de Judée pour y visiter Elizabeth sa cousine, Elizabeth reconnaît en Marie celle qui est la mère de son Sauveur et par cette reconnaissance : « « Que me vaut l’honneur que la mère de mon Sauveur vienne jusqu’à moi ? » elle fait faire à Marie un voyage dans le temps, dans le temps biblique, pour exprimer son action de grâce au Seigneur, Marie reprend alors le cantique d’Anne, ce cantique du livre de Samuel, que l’on appelle parfois, le Magnificat de l’Ancien-Testament, c’est une voix de femme qui guide aujourd’hui la prière de Marie, celle d’Anne, la femme stérile, devenue par la grâce de Dieu la mère du prophète Samuel. Marie chante d’abord les renversements opérés par Dieu : «L’arc des forts sera brisé, mais le faible se revêt de vigueur ; les plus comblés s’embauchent pour du pain et les affamés se reposent». « Il renverse les puissants de leurs trônes il élève les humbles !» L’espérance qu’il exprime s’ouvre alors sur un horizon presque «pascal», un horizon de résurrection : «Le Seigneur fait mourir et fait vivre, il fait descendre à l’abîme et en ramène». » « Le Seigneur relève Israël son serviteur, se souvient de son amour en faveur d’Abraham et de sa race à jamais ! ».

Pour nous-mêmes : Aller vers les autres, accepter d’être dérangé, prendre le temps de les écouter, de les accueillir tels qu’ils sont, mais aussi comme Marie savoir ensuite prendre le temps de rendre grâce, pour les merveilles que le Seigneur fait dans le cœur de chacun.

Nativité : Marie avec Joseph son époux a pris le chemin de Bethléem, la ville de David, l’édit de l’empereur romain prévoit que chacun aille se faire recenser dans sa ville d’origine… le jeune couple quitte Nazareth et se met en route…. les temps sont troublés, incertains…. ils ne trouveront pas de place à l’hôtellerie… un abri dans le rocher, de la paille des animaux… des bergers…. c’est le décor dans lequel naît le Roi du monde….. Le signe que Dieu donne dans la nuit de la Nativité : « Un nouveau- né enveloppé de langes et couché dans une crèche… » A partir de cet instant, en Jésus, Marie aime non seulement son enfant qui faible et fragile a besoin de sa mère, mais aussi le Sauveur qui vient apporter grâce et salut au monde.

Pour nous- mêmes : Accepter de bouger, comme Marie et Joseph, savoir se laisser saisir, mais jamais dépasser par l’imprévu, apprendre à le gérer, et à travers cela comme Marie, porter, donner Dieu aux hommes, en les considérant tous comme de bonne volonté, méritant cette paix de Dieu que les anges chantaient et promettaient dans la nuit de Bethléem. Savoir discerner les signes que Dieu nous fait, que Dieu nous donne, à travers les rencontres que nous faisons.

Présentation au Temple : Marie est montée à Jérusalem, pour y accomplir les rites que prévoit la loi… elle n’est pas dans ce que l’on appellerait aujourd’hui la créativité liturgique. .. il y a des règles, elle les respecte, elle s’y conforme…  et de la bouche du vieillard Syméon elle reçoit une parole qui lui annonce le grand sacrifice que sera celui de Jésus et auquel comme toute mère qui voit mourir son enfant elle participera en ayant le cœur transpercé d’un glaive de douleur. Marie est dans l’attitude de la plus totale de la plus généreuse des offrandes. La présentation de Jésus au Temple est le premier offertoire…

Pour nous – mêmes : Prendre du temps devant le Seigneur, tout particulièrement au cours de la célébration de la Messe, à cet instant où Jésus s’offre à nous, où nous l’offrons et où nous nous offrons avec lui. Nous ne sommes pas à l’aumônerie pour nous livrer à des dévotions personnelles, mais au cours de l’Eucharistie célébrée et offerte, peu importe le nombre, c’est avec toute l’Église, que nous offrons à Dieu le sacrifice de louange, pour la louange et la gloire de son nom et pour notre utilité à tous et celle de sa Sainte Église. Cette offrande nous pouvons la continuer dans l’adoration du St Sacrement, soit par anticipation avant notre temps à l’aéroport soit en action de grâce lorsque est venu le soir.

Fuite en Égypte : Marie, Joseph et l’enfant Jésus prennent la route de l’exil. Hérode et ses hommes d’arme sont là, menaçants…. « D’Égypte j’ai appelé mon Fils… » (cf Exode), Marie laisse sa vie être modelée par la Parole de Dieu… en elle toutes les prophéties se réalisent… le thème de l’ange qui apparaît en songe est un classique de la littérature biblique : il manifeste que Dieu conduit toute l’histoire. Dans sa propre histoire, Marie se laisse conduire par Dieu.

Pour nous- mêmes : Le monde dans lequel naît Jésus est violent…. les choses ont- elles vraiment et tellement changé ? Les guerres incessantes en certains points du globe, les attentats islamistes nous rappellent hélas que la réponse est négative. Des hommes des femmes des enfants, des familles qui ont dû quitter leur pays d’origine, il nous arrive aussi d’en rencontrer, ou même simplement ceux et celles qui ont largué les amarres avec leurs familles, amis et relations et que l’on appelle « SDF », appelés à les rencontrer, les accueillir, faisons en sorte que l’aumônerie soit pour quelques instants un coin de chez eux.

Recouvrement de Jésus au Temple : Marie est inquiète, cette inquiétude elle la partage avec Joseph, ils ont pris la route de Jérusalem… et au retour Jésus n’est plus là…, ils font le chemin inverse, ils doublent presque le temps du voyage…. Marie n’est avare ni de son temps, ni de sa peine… la route qui monte à Jérusalem n’a pas le confort d’un Airbus ou de l’Orly-Val….

Pour nous- mêmes : Ceux et celles qui traversent ce que Jean de la Croix appelle la nuit obscure, ceux qui s’imaginent douter alors qu’ils se posent tout simplement des questions parce qu’ils ne comprennent pas…. Marie semble aussi ne pas avoir compris, elle n’hésite pas, elle pose une question à son Fils, elle pose une question à Dieu : « Mon enfant, pourquoi, nous as-tu fait cela ? », laissons ceux que nous rencontrons nous poser des questions, sans de prime abord les abreuver de nos certitudes, et puis nous-mêmes, n’hésitons pas à poser des questions à Dieu…, ne soyons avares ni de notre temps, ni de notre peine.

Noces de Cana : Marie s’est rendue à Cana. Marie est présente avec Jésus à ces noces… cela ne dure pas comme de nos jours pendant une demie journée et une partie de la nuit, cela dure plusieurs jours…. Ici on entend une des rares paroles de Marie rapportée par les Évangiles : « Faites tout ce qu’il vous dira… » on est bien loin des logorrhées prêtées à Marie lors de certaines prétendues apparitions ! Son « fiat » personnel », « Qu’il me soit fait selon ta Parole », elle veut qu’il s’étende à tous ceux qui approchent Jésus.

Pour nous- mêmes : Présence aux moments de fête, la présence du ou des aumôniers aux moments de convivialité organisés à l’occasion d’anniversaire, de départs à la retraite ou suite à une mutation…. présence à la cantine, le lieu où sont brassés toutes les catégories professionnels que l’on peut trouver dans un aéroport, celles avec uniforme, celles sans uniforme….

La crucifixion : Marie a suivi Jésus à Jérusalem. « Fils voici ta mère… » Jésus donne Marie pour mère à Jean le disciple qu’il aimait, une des 7 dernières paroles du Christ en Croix ! Pourquoi éprouve-t-il le besoin de confier sa Mère et son Disciple l’un à l’autre ? Cela nous dit que Marie veillera sur l’Église !  Le saint curé d’Ars aimait à dire « la Sainte Vierge nous a engendrés deux fois, dans l’Incarnation et au pied de la Croix : elle est donc deux fois notre Mère. » Mais pas seulement ! Cela nous dit une chose à chacun de nous, que nous soyons ou non femme, que nous soyons ou non mère : on n’entre pas dans le mystère de la Croix, on ne vient pas au pied de la Croix avec sa tête, mais avec son cœur, avec ses entrailles, avec son corps de chair.

Pour nous -mêmes : Auprès de ceux qui souffrent, ceux que nous rencontrons et dont la seule présence est due à un événement familial dramatique qui les oblige à prendre l’avion,  nous devons être comme Marie et Jean au pied de la croix ; Être auprès d’eux avec note cœur et non avec notre tête, ne pas sombrer dans la psychologie de conciergerie, faire en sorte que l’espérance reste forte en nous afin qu’elle reste forte en eux.

La Pentecôte : Marie est restée à Jérusalem, après ce que les disciples d’Emmaüs désignent comme « tous les événements qui se sont déroulés ces derniers jours… » Depuis le jour de l’Ascension, les apôtres sont en retraite, au Cénacle, dans l’attente de l’Esprit Saint. Et Marie est avec eux. Dans les Actes des Apôtres, Saint Luc nous fait le récit de la pentecôte il est l’évangéliste de l’Annonciation, de la Visitation, de la Nativité, de la Présentation. Il n’est donc pas surprenant qu’il souligne la présence de Marie au Cénacle. Mais sa présence est discrète. Saint Luc ne la mentionne, qu’après avoir donné la liste des apôtres : « Tous, d’un même cœur, étaient assidus à la prière avec quelques femmes, dont Marie, mère de Jésus, et avec ses frères. » Marie, la Mère de Dieu, est présente à la Pentecôte, puisqu’il est question d’une naissance, la naissance de l’Église, « peuple de Dieu ». Parce que Marie, ce jour-là, n’est pas au premier rang, la Pentecôte est peut-être une des fêtes les plus authentiquement mariales. Car toutes les fêtes chrétiennes sont, avant tout, des fêtes du Seigneur. Comme l’Esprit Saint dont elle est le chef-d’œuvre, Marie nous conduit à Jésus.  Et avec elle, nous avons à conduire les autres à Jésus.

Pour nous- mêmes : Nous sommes l’Église, celle du matin de Pentecôte, l’Église des saints et des pécheurs, mais une Église sainte, une Église apostolique et à l’aumônerie, nous sommes une Église qui n’est pas statique, une Église qui marche, en marche avec Marie et à sa suite….

Marie, à laquelle tous ensemble nous pouvons redire :

Je vous salue Marie :